PAUL FELIX – EP

Le chanteur de Gamine est de retour – accompagné du guitariste Fabien Cahen – avec un EP 4 titres qui sortira le 2 Mai 2024 (Bordeaux Rock records et Musique de Chambre). 

TrackList : 

1 : Se Pourrait-il ? – 3’44” 

2 : Perdu dans tes yeux – 3’15” 

3 : Une Avalanche – 3’27” 

4 : Ta Tendresse – 3’18” 

Je découvre les nouvelles chansons de Paul Félix et j’ai dix-huit ans à nouveau. Au volant de la 504 Peugeot de mon père, je roule vers Bordeaux où Gamine se produit le soir-même. Engouffrant par la vitre ouverte de grandes bouffées de liberté, j’écoute « Le Voyage » avec le sentiment que cette chanson a été écrite pour moi et personne d’autre. Je pense à cette fille qui s’est évaporée dans d’autres bras, il y a peu, mais ce n’est pas si grave au fond parce que les jours sont si courts que tu vois, je n’ai plus besoin de toi.

Dans le vide-poche, s’empilent mes cassettes des Smiths, des Woodentops, des Pale Fountains. Je pense à ces années de disette face aux anglais, ces années d’humiliation. Depuis peu, nous avons Gamine. Et nous pouvons enfin les regarder dans les yeux.

Quand ce groupe a surgi de l’underground bordelais, il n’avait pas besoin de gonfler sa production de testostérone électrique ou de synthés rutilants. Seulement armés de leur sincérité et d’une candeur bouleversante, ses membres n’avaient besoin d’aucun de ces artifices. Et la première fois que je les ai découverts, je suis tombé instantanément amoureux de leur son. C’était quelque chose qu’on n’avait jamais entendu de ce côté-ci de la Manche. Parce que Gamine ne bombait pas le torse. Il était à sa juste place. Armé de peu, une basse, une batterie et deux guitares qui se mariaient comme en rêve. Armé surtout d’une conviction, d’une foi inébranlable en sa musique, en son destin. Cette foi transportée par la voix cascadeuse de Paul Félix, cette voix courageuse, bagarreuse. Cette voix qui ne se cachait pas.

Et puis cette voix s’est cachée quelques années. Paul Félix a disparu et quitté le monde de la musique. Ce que cet univers n’avait pas réussi à lui apporter, il allait le rechercher dans la philosophie bouddhiste, enchaînant des retraites en monastères pendant plus de quinze ans. Elles le tiendront loin de notre monde mais sans doute plus près du sien.

Aujourd’hui, poussée, épaulée, secondée, enregistrée par Fabien Cahen et escortée par une poignée de musiciens inspirés, la voix de Paul Félix ressurgit, intacte, portant la même candeur, la même honnêteté, me percutant des mêmes émotions.

J’écoute en boucle ses nouvelles chansons, et je sais que leurs mélodies bouleversantes vont habiter mon ventre pendant mille ans. J’écoute « Perdu dans tes yeux », « Une avalanche », « Ta tendresse », « Se pourrait-il » et j’ai dix-huit ans à nouveau. Le soleil couchant rebondit sur la carrosserie blanche de la vieille 504 Peugeot. Les vitres sont ouvertes et un vent de liberté me gifle les joues. La lumière m’oblige à cligner des yeux, à moins que ce soit autre chose. Allez, encore une fois. Juste une fois. J’écoute cette voix qui me ramène au printemps de ma vie. Mes yeux pleurent et sourient en même temps. Et je réalise que les aspirations de ma jeunesse sont toujours là qui vibrent sous ma peau.

Olivier Martinelli